Championne de France autoproclamée de cyber harcèlement, Marion Seclin persiste et signe avec le lancement de sa propre chaîne Youtube. Des vidéos personnelles où la Youtubeuse souhaite se faire plaisir, sans tabou ni agenda. A l’occasion de la sortie de sa dernière vidéo Mon corps ce héros, sorte d’ode de réconciliation avec son physique, retour sur un parcours semé d’embûches avec la podcasteuse féministe que les français adorent détester.
Influenth- Il y a quelques années, tu tournais dans les vidéos du Studio Bagel et en même temps tu vendais des fringues dans une boutique du Marais. Depuis, pas mal de choses ont changé: tes vidéos féministes pour le site Madmoizelle, ton lynchage sur Internet, puis l’animation d’une chronique quotidienne sur France 2. Comment tout a commencé?
M.S- A l’époque je participais comme comédienne aux vidéos du Studio Bagel, Natoo m’avait présenté Fabrice Florent, le patron du site de Madmoizelle. J’adorais ce qu’il faisait, alors je lui ai proposé de faire un street style. On a beaucoup sympathisé et ce fut le début d’une longue collaboration. Des tutoriaux décalés avec Mad Gyver, puis des vidéos plus poussées sur les idées reçues concernant les féministes avec ma première vidéo “#TesFéminineMais… tu suces?”. Il est le premier à m’avoir fait confiance, en me donnant carte blanche totale sur ce que je voulais dire.
Et la métamorphose en féministe activiste?
Quand j’ai commencé chez Bagel, j’ai très vite réalisé que je n’aurai jamais d’autres rôles que celui de pute ou de la meuf de….. Avec Natoo, on plaisantait toujours sur le fait qu’on était les deux seules filles du collectif pour remplir les quotas. Sauf qu’à la fin, la blague était devenue une réalité. J’en avais marre d’être celle qui aide à faire rire, et de me voir proposer la moitié des projets que faisaient les mecs.
Du harcèlement de rue, tu es passée au cyberharcèlement, comment expliques-tu ce lynchage suite à ta vidéo sur le harcèlement de rue?
Je pense que je suis la première de ma génération à m’être exposée sur ce sujet sur les réseaux sociaux. Un monde où il n’y a aucune barrière et tout le monde peut en toute impunité déverser sa haine. Comme dans beaucoup de combats, quand on est les premiers, on se fait critiquer et insulter. Il n’y a pas de remise en question de la part des détracteurs, les gens oppressés sont toujours ceux qui ont tort. Maintenant quand je regarde la polémique #metoo, je réalise que je ne m’étais pas trompée, même si mon but a toujours été de faire de la pédagogie et non du militantisme.
Est-ce qu’il t’est déjà arrivé d’avoir peur de certaines menaces?
Bien-sûr, c’est effrayant de recevoir des milliers de menaces de viols et de morts. Surtout que je n’avais aucun soutien, car je ne souhaitais pas médiatiser cet événement. J’avais peur d’être seulement considérée comme la fille qui se fait cyber harceler sur le net, et que cela nuise à mon travail.
Pourtant tu as fini par en parler lors d’une conférence TED, qu’est-ce que cette expérience t’a appris?
Oui, j’ai finalement accepté d’en parler afin de retirer quelque-chose de positif de cette expérience, en aidant les autres. Et j’estimais que si quelqu’un devait le faire ça devait être moi. Maintenant on ne m’appelle que pour cela. Que je sois scénariste, comédienne, et même chroniqueuse pour une émission sur Canal+, peu importe. Je reste la fille qui s’est fait harcelée sur Internet avant tout. Mais cet événement m’a renforcé dans mes convictions et permis de réaliser qu’il y avait encore beaucoup de boulot. Je continuerai donc d’avoir ce discours tant qu’il y aura des cons pour harceler les filles.
As-tu déjà rencontré certains de tes détracteurs ?
Je n’en ai jamais rencontré, mais suite à ma présentation TED, beaucoup se sont excusés et j’ai parfois eu des débats constructifs avec certains.
Que penses tu de la liberté d’importuner?
Cette tribune m’a fait rire jaune. Même si je respecte le travail de Catherine Deneuve, je pense que l’on est face à un conflit générationnel. Elle est née à une époque où le physique participait beaucoup à la construction des carrières d’actrices, un système dont elle a bénéficié. C’est toujours le cas aujourd’hui, sauf qu’on doit pouvoir réussir autrement, sans avoir à jouer la carte plante verte. Plaire c’est sympa, mais ce n’est pas le but.
Et #metoo, tu ne penses pas que la polémique va parfois trop loin en jetant l’opprobre sur des innocents?
Je pense que c’est un mal pour un bien, car pour deux mecs innocents, il existe des milliers de femmes bafouées dans le monde.
Il y a deux mois, tu t’es lancée solo avec ta chaîne sur Youtube? Comment a t-elle été reçue?
Elle a été très bien reçue. Après le TED, les gens ont compris qu’ils pouvaient être bienveillants. Je n’ai que très peu de rageux, et il faut dire que j’ai aussi une modération assez poussée. Youtube de son côté aussi a beaucoup évolué en supprimant à priori les commentaires haineux, que je n’ai plus à lire.
De quels sujets vas-tu parler?
C’est vraiment une chaîne de troll où je fais ce que je veux. Je n’ai aucun enjeu commercial ni objectif, si ce n’est celui de me faire plaisir. J’ai toujours voulu le faire, sauf que j’avais peur de l’accueil, de ne pas être drôle. Maintenant je m’en fiche, je souhaite juste faire quelque-chose qui me donne envie de me lever le matin.
A côté de ta chaîne, où peut-on te suivre?
Je aussi suis chaque semaine dans une pastille sur Canal + Cette semaine Madame, une émission où je traite de l’actualité des femmes avec un ton sarcastique. Sinon ma prochaine vidéo parlera du rapport au corps.
Un petit mot pour tes détracteurs?
Pas vraiment. J’espère simplement qu’ils trouveront la force de ne plus être en colère.