Le marketing d’influence constitue un levier puissant pour les marques et trouve sur les réseaux sociaux un terrain de jeu propice. Mais face à certaines dérives, cette pratique a été réglementée et se voit désormais régie par des lois. Entre autres, la gestion des droits des influenceurs ! Pourtant, de nombreuses marques lèvent un peu trop le pied sur cette réglementation et la méconnaissance des créateurs de contenu sur le sujet n’arrange rien. Stéphane Bouillet, fondateur d’Influence4You, revient plus en détail sur ces droits au sein de cette tribune.
Beaucoup de marques avec qui nous faisons des publications d’influenceurs nous demandent fréquemment les droits sur les contenus produits soit pour les réutiliser dans leurs campagnes marketing (Facebook Ads, MashUp, Newsletters, publications sur leurs réseaux sociaux ou sites web), soit simplement pour médiatiser les contenus ainsi produits par les influenceurs et leur donner plus de visibilité.
Or, ce n’est pas parce qu’une marque a payé le contenu d’un influenceur (ou a obtenu ce post en échange d’un produit ou service offert) qu’elle peut en faire ce qu’elle veut ! Il faut que l’influenceur accepte de céder ses droits et que l’utilisation à venir de ce contenu soit explicite.
“L’influence marketing n’est pas une zone de non-droit. En effet, ces activités s’inscrivent dans des secteurs réglementés et se voient appliquer plusieurs textes de loi, portant notamment sur la liberté d’expression, le droit d’auteur et le droit de la communication”, précise Maître Clara Benyamin, avocate en droit de la propriété intellectuelle.
Ce que peut faire la marque sans l’autorisation explicite de l’influenceur ?
Elle peut librement utiliser les outils de partage des réseaux sociaux. En effet, en utilisant ces réseaux, l’influenceur a accepté les CGU qui permettent le partage de ses posts (sauf fonctionnalité de départage présente sur certains réseaux). Par exemple, une marque peut librement partager sur sa page Facebook le lien vers la vidéo YouTube de l’influenceur. Et sauf condition de confidentialité explicitement évoquée dans le contrat/bon de commande de l’influenceur, l’annonceur peut évoquer la collaboration avec l’influenceur. En revanche, il ne pourra pas reprendre l’image de l’influenceur (sauf outil de partage ci-dessus évoqué).
Ce que ne peut pas faire la marque ?
Tout ce qui n’a pas clairement été explicité au paragraphe précédent. Une marque ne peut notamment pas :
– Télécharger, récupérer, modifier et diffuser le contenu de l’influenceur sur ses réseaux.
– Faire un Regram (faire une capture d’écran de l’influenceur et reposter l’image).
– Faire un mash-up (montage de séquences vidéo de l’influenceur).
– Utiliser l’image de l’influenceur sur des affiches, flyers, pubs TV ou radio…
La médiatisation d’un post d’un influenceur n’est, a priori, pas possible non plus, sauf autorisation explicite. Cette dernière peut être contractuelle ou via les outils de médiatisation (cf. le Branded Content Ads sur Instagram).
Quels sont les risques pour les marques ?
Si une marque utilise l’image et/ou le contenu d’un influenceur sans son accord explicite, elle est susceptible d’engager sa responsabilité sur plusieurs fondements comme la contrefaçon ou l’atteinte au droit à l’image. Dans ce contexte, la marque s’expose à des sanctions qui peuvent prendre la forme de dommages et intérêts au profit de l’influenceur.
“Les risques encourus par la marque ne sont pas des moindres, puisque l’influenceur est en droit de réclamer des sommes à la hauteur de son préjudice, par exemple de son manque à gagner, qui peut être très important en fonction de sa notoriété”, déclare Maître Clara Benyamin.
Quels sont les risques pour les influenceurs ?
Non seulement l’influenceur a un manque à gagner potentiel (la marque ne rétribue pas son droit à l’image et ses contenus), mais surtout l’influenceur s’expose à des risques complémentaires. En effet, l’influenceur est responsable des contenus qu’il produit.
Or, les contenus peuvent enfreindre la loi sur différents aspects, dont voici quelques exemples :
– l’utilisation d’une photographie d’un tiers sans son accord, au mépris du droit d’auteur ;
– la publication de propos diffamatoires ;
– la mauvaise identification d’une communication commerciale qui peut s’apparenter à une pratique commerciale trompeuse.
De plus, l’ampleur du tort causé est proportionnelle à l’audience de la publication. Par conséquent, si un annonceur dont les réseaux sociaux regroupent un très grand nombre d’abonnés, re-publie sans accord le contenu d’un influenceur, les deux parties prenantes s’exposent à ce qu’un important public potentiel consulte une publication illégale.
“Or, ce risque d’effet boule de neige peut être évité en encadrant la relation entre la marque et l’influenceur, ce qui peut prendre la forme d’un contrat”, précise Maître Clara Benyamin.
Les mauvaises pratiques, voire les pratiques “border line” de certaines plateformes d’influence marketing
Sur les top influenceurs, la gestion des droits à l’image est assez classique et plutôt bien gérée via des contrats en bonne et due forme (au moins chez les agences professionnelles). En revanche, certaines plateformes de micro, voire nano-influence ont des pratiques assez border line qui font prendre un risque aux influenceurs et aux marques.
Par exemple, certaines plateformes font payer aux marques un abonnement à la cession des droits des influenceurs… Elles se contentent alors de mettre dans leurs CGU : “L’Utilisateur autorise la marque à reproduire et représenter son image ainsi que des personnes représentées dans ces contenus pendant une durée de cinq ans”. L’influenceur n’est même pas au courant (s’il n’a pas lu en détail les CGU) de la cession des droits qu’il fait à la marque… De son côté, la marque pense qu’elle a acheté les droits en toute bonne foi.
Bref, la plateforme s’enrichit, ne reverse rien aux influenceurs et fait potentiellement prendre des risques aux influenceurs et aux marques. À la décharge de ces plateformes, il n’est pas non plus matériellement possible de faire signer des contrats de cession de droits à tous les influenceurs (des dizaines de milliers de publications chaque mois)… Des solutions simples peuvent être alors mises en place.
Les bonnes pratiques:
Pour les top influenceurs, faire signer un contrat en bonne et due forme est nécessaire. Ce contrat doit notamment indiquer :
– Qui sont les Parties au contrat et leurs coordonnées ;
– Les obligations réciproques de chacune des Parties : nature du contenu, fréquence, étendue de la cession des droits d’auteur, modalités de validation de contenus, forme de la compensation ou de la rémunération…
– Garanties que s’accordent les Parties.
Pour les plateformes de micro et nano influence, il est indispensable d’indiquer à l’influenceur AU MOMENT où il postule, quel est le cadre de la cession de droits. Idéalement, une signature électronique serait requise. Maintenant, une case à cocher pour valider des conditions claires de la cession de droit avec enregistrement de l’IP ainsi que la date et l’heure de l’acceptation peut se défendre aisément. C’est ce que nous proposons sur Influence4You ! Au moment de la demande de cession de droits, l’influenceur doit valider ce texte :
“En échange de sa rémunération ou du produit ou service gratuit, l’influenceur (le Cédant) autorise la Marque à exploiter les contenus créés ainsi que son droit à l’image qui y est lié lors de l’opération.
L’influenceur autorise la Marque (“[brand]”) à utiliser les contenus créés dans le cadre de cette opération ainsi que l’image de l’Influenceur liée à ces contenus dans le cadre de ses dispositifs de communication digitaux (dont son site internet et sa newsletter). Ces contenus pourront également être médiatisés sur les canaux numériques (Instagram, Facebook, YouTube…). Cependant, la Marque est tenue de s’abstenir de concevoir tout montage qui présenterait le Cédant dans une situation déshonorante ou dévalorisante pour lui.
La présente cession est valable pendant une durée de 1 an à compter de sa première diffusion. Étant donné le caractère mondial d’Internet et des réseaux sociaux, cette cession est valable pour tous les pays.”
Ainsi, la marque connaît le périmètre de la cession de droits (c’est elle qui l’indique) et l’influenceur connaît ce à quoi il s’engage quand il postule.
“Au-delà des règles déontologiques adoptées par les professionnels au sein de l’ARPP et que nous nous nous efforçons d’appliquer au quotidien pour les contenus sponsorisés (cf infographie des bonnes pratiques), le premier principe de loyauté dans la publicité est le respect de l’ensemble des normes, de la réglementation et du droit positif en général, notamment celui du droit à l’image des influenceurs”, déclare Mohamed Mansouri, directeur délégué de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP).
En bref
Marques et influenceurs, il est essentiel de bien gérer la cession de vos droits pour éviter tout risque juridique. On espère que cet article vous aura donné quelques bonnes pratiques à suivre. N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez lancer des campagnes qui respectent les bonnes pratiques de l’influence !